Nos mains constituent l’outil premier avec lequel nous pouvons comprendre tout ce qui nous entoure. L’enfant, il touche le rond de feu pour en comprendre le danger. Le cuisinier, il tâte ses légumes, il ausculte minutieusement chaque ingrédient pour mieux le connaître, mieux s’en servir. L’aveugle nouveau, il passe la main sur la joue de ses chers, comme on passe la main sur un cadre pour en laver la poussière.
Et le photographe,
il vole.

Moi, je vole des moments qui ne m’appartiennent pas pour me les approprier. Je vois quelque chose de beau, je le veux, donc je le prends. C’est la nature du photographe. 
Je me suis promené dans les rues de Montréal, guidé par le parfum de la douceur que seuls les quidams savent s’offrir
et j’ai volé des instants.

Des instants de beauté qui flottaient au-dessus de leur tête comme un bateau qui transperce à peine le drap fluvial. Je les ai vu, et je me les suis attachés au dos
avec un nœud de chaise.
Par ma main, soudainement, l’eau s’est troublé, le bateau a craqué et le mat s’est fendu. J’ai teinté ce que j’ai touché.

À travers sa lentille, le photographe met le pied dans un monde dont il ne peut être que touriste, le temps d’un cliché.
Voyeur.
Il ne voit que ce qu’il pense être pertinent. Ce qu’il pense être beau. Il capture un moment étranger pour lui faire dire ce qu’il souhaite.
Moi, je souhaite un moment de répit. Je souhaite pouvoir sentir le visage de mes chers, comme un morceau de soie que l’on sent glisser entre nos doigts, sur notre paume, dans nos mains.
Moi, j’envie. Je suis jaloux, peut-être. Égoïste, probablement. Reste que je suis attiré par le désir de tout goûter, d’avoir tout vu, de vivre, de ressentir tout ce qu'il y a à ressentir. Alors j’ouvre les yeux, et je cherche ce qui flotte autour.
Caméra au cou comme un filet en main, j’irai attraper les papillons les plus fugaces.


Transferts de polaroïds sur papier aquarelle.
2023, ongoing
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